Le « numéro d'objet » est le terme administratif utilisé pour déclarer et suivre un spectacle. Avec cette création, Mickaël Phelippeau a choisi de passer de l'objet au sujet, de saisir la fabrique d'une pièce à partir de ses composantes subjectives : des souvenirs, des individus qui forment le récit parallèle d'un projet artistique. Au-delà de son « numéro », de son « emploi », de quelle expérience sensible le danseur est-il dépositaire ? Où fixer la frontière entre interprète et auteur, entre celui qui compose, conçoit, et celui qui incarne ? Pour déployer ces questions, Mickaël Phelippeau a rassemblé quatre interprètes : quatre femmes ayant entamé leur carrière dans les années 80, traversé les époques, les styles – chacune affirmant une position singulière, un regard sur leur histoire, les chorégraphes avec qui elles ont travaillé, les musiques, les mots, les désirs qui les ont accompagnées.

Construit à partir de contraintes sans cesse redéfinies, de partitions croisées, détournées, malmenées, Numéro d'objet suit ces parcours, et dresse un état des lieux d'une vie passée avec la création chorégraphique. Dans une ambiance qui oscille entre le studio de répétition, les coulisses, l'enquête sociologique, les quatre interprètes discutent, s'interrogent, chantent, restituant les étapes du travail, emmêlant progressivement tous ces fils. Arpentant la scène comme une carte mouvante, naviguant de fragments de répertoire en réinterprétations, elles forment des duos, suivent des protocoles ludiques, comme imaginer une danse à 90 ans. Mêlant passé, présent et futur, elles prennent alternativement tous les rôles, se dirigent, s'orientent, se commentent les unes les autres. Peu à peu, l'espace se remplit de rumeurs : les voix se mélangent, les générations se répondent et s'interpénètrent. À travers ces portraits tendres et acérés, Numéro d'objet montre la cuisine du spectacle comme une recette aux multiples ingrédients : des couches de textes, d'interviews, des jeux, des fantômes de gestes, qui créent une toile de fond historique et intime où se dessine en creux un imaginaire collectif de la danse.

• Gilles Amalvi pour les Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis 2011
  in Les Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis

Création le 27 mai 2011 au Théâtre de Montreuil - Centre dramatique national, dans le cadre du festival Les Rencontres internationales de Seine-Saint-Denis